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Grande Offensive de Printemps

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Légèrement débordée par la gestion du quotidien, j’ai tendance à repousser les gros chantiers : j’attends que la neige artificielle de mes déco de Noël fonde sur la vitre avant de m’attaquer aux carreaux, ou que le tracteur de mon voisin agriculteur soit plus propre que ma bétaillière avant de l’astiquer. Mais au Printemps, j’ai comme une montée de sève…

…Ou d’adrénaline. Ça me prend généralement après m’être penchée sous le lit de N°2 pour récupérer une tétine de sa benjamine, quand je découvre, au milieu des ballotins de poussière plus ou moins habités: une paire de lunettes de natation, une fratrie entière de Playmobil, un quignon de pain, 23 bouchons de feutres et le double des clés de ma voiture.

A ce moment-là, mon sang ne fait pas qu’un seul tour, il vire au bouillon, et les filles en prennent un, sévère. Alors c’est le branle-bas de combat, le déclenchement de l’Opération ‘Tempête de la Mère’ avec réquisition de toutes les forces vives, composition des escadrilles et élaboration de la stratégie offensive. N°1, à qui le rangement donne déjà de l’urticaire, se retrouve flanquée d’une aide de camp qui lui arrive à la hanche et dont elle ne connaît que trop bien les aptitudes au dé-rangement, bref, elle fait la tronche. N°2, en bon petit soldat, est allée chercher un balai, je donne les directives: “dans un premier temps, repérage de la zone, pour évaluation des dégâts et mise en place d’une réponse mesurée. Puis identification des populations: ennemies, dans le grand sac poubelle, amies, en tas sur la table… essayez au maximum de préserver les familles, les Legos avec les Legos, les Polly Pocket avec les Polly Pocket, rassemblez aussi les cartes et les pions isolés, ils seront réacheminés vers leurs boîtes d’origine en fin d’opération. Vous êtes prêtes?” En guise de réponse, N°3 brandit son sabre en mousse et s’élance d’un grand ‘Yaaaaaaaaa’ vers sa chambre, ses aînées commencent sans traîner à retourner, avec avec une énergie conquérante, couettes, matelas et tiroirs.

De mon côté, j’orchestre la valse des armoires: mes t-shirts trop moulants intègrent celle de N°1, la moitié de sa garde-robe migre vers celle de N°2 qui ne s’en apercevra presque pas, vu ma lubie de les habiller comme des jumelles; et ce qui a résisté aux deux grandes échoue dans la penderie de N°3, qui va quitter avec bonheur ses pantalons trop courts pour enfiler une série de pantalons auxquels il faudra faire deux tours.

Au bout d’une heure, Etonnée par le calme ambiant, je fais un point sur la situation. Dans la bataille, chacune a retrouvé un trésor qui l’a détournée de sa mission: qui un kit à faire des scoubidous, qui un catalogue de jouets de Noël 2011, qui un saxophone en plastique extrêmement bruyant… le grand sac-poubelle est toujours vide, mais le tas à conserver occupe la moitié de la pièce. Il faut remotiver les troupes, les réunir en conseil de guerre pour déterminer le sort de chaque objet au cas par cas. N°1, malgré sa pré-adolescence précoce, accepte raisonnablement de rendre leur liberté à ses cailloux de collection et de mettre au tri sélectif son camaïeu de bouts de verre ramassés sur la plage; N°2 a beaucoup plus de mal à se séparer des sets de table Buffalo Grill qu’elle avait coloriés avec application. Lassée par les débats, N°3 s’est enfouie dans le sac poubelle, qu’elle a fini par renverser complètement pour récupérer le saxophone qu’elle venait d’y jeter. Le moral et la cohésion du groupe en prennent un sacré coup, nous avons épuisé nos rations énergisantes de bonbons, la mutinerie guette… Pour éviter l’humiliation d’une débâcle, je sonne l’heure du goûter… et profite de leur absence pour avancer. Trois sacs-poubelle plus tard, les puzzles et les paires de chaussures de Barbie sont recomposés, les jeux de sept familles à peu près entiers et la quasi intégralité d’autoportraits-patate de N°3 prête à brûler. Les filles ont interdiction de toucher à quoi que ce soit, voire interdiction de jouer, voire de bouger, juste pour me laisser une heure, une heure seulement, l’illusion que là où la MAF passe, le bazar ne repousse pas.

 

Chronique parue dans Actives Magazine du mois de Mai 2014.



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